Un POS peut encore décider du sort d’un permis de construire, vingt ans après sa disparition des textes. Pendant ce temps, dans la commune voisine, c’est déjà le PLU qui fixe les règles. Ce décalage administratif n’a rien d’anecdotique : il façonne le quotidien des habitants, conditionne les projets, et révèle la lente transition du droit de l’urbanisme français.
Cette coexistence entre le plan d’occupation des sols et le plan local d’urbanisme donne lieu à des différences concrètes, qui pèsent sur la délivrance des permis, la gestion du foncier, et l’évolution des règles en vigueur. Deux mondes se croisent, deux logiques parfois contradictoires, et les conséquences se font sentir jusque dans la manière d’aménager les quartiers.
Comprendre l’évolution des documents d’urbanisme en France
Pour saisir les enjeux, il faut revenir sur l’histoire de l’urbanisme réglementaire en France. Plusieurs outils se sont succédé, chacun incarnant une époque et sa manière d’imaginer la ville. Le plan d’occupation des sols (POS), mis en place par la loi de 1967, a longtemps servi de cadre. Il s’agissait alors d’établir, commune par commune, un document technique qui répartissait les droits de construire de façon précise. L’idée était simple : sortir du cadre unique du règlement national d’urbanisme (RNU) pour permettre des adaptations locales, au plus près des besoins du territoire.
Au tournant des années 2000, le plan local d’urbanisme (PLU) fait son apparition. Cette réforme, portée par la loi SRU, élargit la perspective. Il ne s’agit plus seulement de dessiner des zones constructibles et d’énoncer des normes : le PLU met sur la table les enjeux sociaux, environnementaux, économiques. On parle désormais de projet de territoire, et la loi ALUR viendra renforcer cette dimension en favorisant la mutualisation via le PLU intercommunal.
Voici quelques points-clés pour situer ces documents dans le cadre légal français :
- Le code de l’urbanisme détaille les conditions d’élaboration, de modification et d’application pour chaque document.
- Dans les petites communes, la carte communale reste une alternative au PLU pour fixer les droits à bâtir.
Le remplacement du POS par le PLU ne s’est pas opéré du jour au lendemain. Nombre de communes continuent d’appliquer un POS faute de l’avoir remplacé. Résultat : une mosaïque de règles, où cohabitent anciens et nouveaux référentiels, selon l’avancée des révisions et les choix des élus locaux.
Qu’est-ce que le POS et à quoi servait-il ?
Le plan d’occupation des sols (POS), introduit en 1967, a longtemps été la référence pour encadrer l’occupation des sols à l’échelle communale. Chaque commune disposait de son propre document, qui définissait avec précision les zones constructibles, agricoles ou naturelles, mais aussi les règles à suivre pour tout projet immobilier.
Le POS reposait sur une organisation très découpée du territoire. Il distinguait plusieurs zones (urbaines, à urbaniser, agricoles, naturelles), chacune soumise à des règles spécifiques. Un paramètre emblématique : le coefficient d’occupation des sols (COS). Ce chiffre, propre à chaque parcelle, déterminait combien de mètres carrés pouvaient être construits par rapport à la surface totale. Cette approche se voulait rigoureuse et technique : la densité de construction était calculée, réglementée, sans ouverture sur les aspects qualitatifs ou paysagers.
Dans le cadre du POS, les règles portaient notamment sur les points suivants :
- Fixation des hauteurs maximales des bâtiments
- Implantation des constructions par rapport aux voiries
- Prise en compte des servitudes ou des règles d’alignement
Ce document avait valeur de règlement local. Son application demeurait stricte : chaque demande de permis de construire devait s’y conformer, sans marge d’interprétation ni prise en compte des évolutions sociétales ou environnementales. Ce système a permis de canaliser l’urbanisation rapide de l’après-guerre, mais il a fini par montrer ses limites, incapable de répondre aux nouveaux défis urbains.
Le PLU : un outil moderne pour planifier l’aménagement du territoire
Le plan local d’urbanisme (PLU) a bouleversé le paysage réglementaire. Il n’est plus seulement question de normes techniques, mais d’une stratégie de planification à long terme, intégrant les enjeux du développement durable. Le PLU, voté par le conseil municipal, structure l’avenir du territoire autour de plusieurs documents complémentaires.
Au cœur du dispositif, le PADD (projet d’aménagement et de développement durable) définit les grandes orientations : habitat diversifié, préservation des espaces naturels, organisation des mobilités, mixité sociale. Ce document sert de boussole. Ensuite, le règlement précise les règles d’urbanisme pour chaque zone : urbaine, à urbaniser, agricole ou naturelle. Fini le COS, place à des prescriptions adaptées à la diversité des situations locales.
Le PLU introduit aussi les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), qui agissent comme des carnets de route pour certains quartiers ou secteurs. Elles permettent d’imaginer l’implantation des constructions, la gestion des eaux pluviales, ou encore la trame paysagère, en s’adaptant au contexte et à la demande des habitants.
Voici quelques exemples des axes prioritaires portés par le PLU :
- Mise en valeur des paysages et du patrimoine local
- Gestion raisonnée de l’emprise au sol pour limiter l’étalement urbain
- Favoriser la densification contrôlée et la qualité de vie
Le PLU se distingue par sa capacité à évoluer : les lois récentes, comme la loi ALUR, l’ont renforcé dans son rôle de moteur de la ville durable et inclusive. Il ne se contente pas de fixer des règles : il porte une vision, négociée et partagée, du futur du territoire.
PLU et POS : quelles différences concrètes pour les habitants et les projets ?
Passer du plan d’occupation des sols (POS) au plan local d’urbanisme (PLU) a bouleversé la manière de construire et de vivre la ville. Sous le POS, chaque parcelle se voyait appliquer des règles strictes, souvent rigides. Le coefficient d’occupation des sols (COS) imposait un plafond à la constructibilité, laissant peu de place à l’adaptation ou à l’innovation. Impossible, par exemple, de densifier un quartier ou de repenser un ilot sans réviser tout le document.
Le PLU rompt avec cette logique : il adopte une approche globale, où l’urbanisme ne se limite plus à des chiffres mais s’ouvre à la qualité de vie, à la mixité sociale, à la gestion durable du territoire. La suppression du COS a permis d’ajuster la surface de plancher en fonction des besoins, ce qui facilite la transformation du bâti existant et l’évolution des quartiers.
Pour celles et ceux qui portent un projet, ces transformations se traduisent notamment par :
- des règles sur le gabarit des constructions qui s’adaptent mieux aux spécificités locales ;
- une intégration des questions environnementales, renforcée par la loi ALUR ;
- plus de liberté pour innover sur le plan architectural et mieux intégrer les constructions dans leur environnement.
Les habitants bénéficient également de démarches de concertation, qui replacent la réflexion collective au centre des décisions d’aménagement. Le PLU ne se contente pas de réglementer : il invite à penser, ensemble, le visage du territoire de demain. L’époque du POS touche à sa fin, mais ses règles persistent encore çà et là, le temps, pour chaque commune, d’achever sa mue réglementaire. La ville, elle, ne cesse jamais de se réinventer.


